Alain K par Yann Perol - 2010

«Le sérieux fortifie les idées. Il les solidifie même jusqu’à ce qu’elles finissent par boucher la pensée. Cholestérol de l’imaginaire, le rire le fendille par à-coups, jusqu’à ce que la lumière passe à nouveau.»1
Alain K est un artiste qui sévit aussi bien en dessin, peinture, que vidéo, il élabore à travers ces différents médiums une œuvre empreinte d’humour. Artiste antidisciplinaire, Alain K adopte la posture du ratage comme métaphore de la condition d’artiste. Dans la lignée des artistes « idiots »2 il met en péril l’ordre du monde pour faire apparaître un champ de possible illimité. L’Absurdité est omniprésente dans son travail et permet la mise en faillite du réel mais elle permet également la destruction et la mise en péril de la notion d'artiste.
Alain K crée des personnages, comme avec la série l’homme canon, il se dédouble et se met en scène en une sorte de Monsieur Hulot de l'art contemporain. Ses personnages se retrouvent dans des situations « pitoyables, ridicules, inutiles, stupides"3 pour devenir une image subversive contrecarrant ainsi les stéréotypes liés à l’art contemporain. La condition d'artiste est double pour Alain k, elle est liée à un abandon de lui-même au travers de ses personnages mais elle est aussi un engagement, une sorte de contestation, il a décidé « de devenir résistant. Il n’y a plus d’occupant à combattre, il y a juste une société qui pousse de partout. Qui pousse à paraître toujours sous son bon jour. Qui pousse à toujours faire mieux. Qui pousse à être efficace, raisonnable »4 . Alain K se positionne en retrait du monde, en spectateur, il se met à distance , il y a un refus de la société et de ses codes ; Alain K occupe la marge mais dans un même temps il parasite ce monde, le transforme : "Tu refuses d’être un gagnant.
Tu refuses même d’essayer." Cette attitude est celle qui s’apparente à ce qu’énonce Hakim Bey avec la TAZ : « la meilleure et la plus radicale des tactiques sera de refuser l'engagement dans une violence spectaculaire, de se retirer de l'aire de la simulation, de disparaître. »5 Le choix de l’infamie, de l’autodérision est un retrait mais de ceux violents dont parle Henri Laborit dans son ouvrage « Eloge de la fuite ». Face à une situation de tension plusieurs choix s’offre à l’individu et celui de la fuite permet d’éviter de rentrer dans le jeu des "dominances » il permet de se préserver et en même temps il est la possibilité d’une construction, en "fuyant" dans l’imaginaire. 
 « Pour Laborit, c’est là le seul palliatif acceptable et utile. Il place ainsi la création au sommet de tout, et en fait le principe le plus important qui soit, le seul qui nous permette d’avoir une chance d’évoluer dans un sens intéressant" .6
Tu décrètes que le ridicule est politique.7
Alain K transfigure le banal par son humour, le monde quotidien ainsi détourné par l’humour est une permanente possibilité d’introduire de la poésie et du rêve. « Contre la bêtise qui s'ignore s'élève le rire de l'idiot. Contre les excès d'un art «engagé» se tient le rêve d'une pensée légère. Et si le jeu n'était pas seulement l'apanage des enfants, mais le signe ironique d'une pensée sérieuse — qui fuit tout ce qui est lourd par profondeur ? »8
Il s’agit pour Alain k de « faire du jeu un principe moteur dans un monde ou le sérieux des officiels, là comme ailleurs fait des ravages »9 . Par le rire l’artiste fait acte virulent de critique sociale, le rire est ici une véritable arme de bataille contre la léthargie mentale. Faire le con, assumer une esthétique de l'idiotie s'impose comme une évidence, conscient qu'elle est désormais le moteur le plus efficace de la subversion dans l'art. L'idiotie s'offre comme une possibilité de relecture du réel, elle devient alors une puissance de création qui ouvre de nouveaux champs d'expérience. Pour paraphraser Jean Dubuffet 10, afin de rester anti-conformiste, l'artiste se doit d'endosser un rôle proche de celui du fou, quitte à surprendre et à dérouter.
Avec un goût pour l'irrévérence, Alain K se joue des codes du beau, du bien, du bon et n'hésite jamais à prendre le contre-pied de l'esthétique conventionnelle pour la dénoncer. Il lutte avec application contre l'arrogance de la supériorité intellectuelle affichée par le milieu de l'art. Alain K use de la parodie, de la satire, de jeux de mots et d'autodérision. Le rire est pris par Alain K très au sérieux. Il permet de mettre le monde à distance.
Yann Perol
1-Jean-Michel Ribes (sous la direction de), Le rire de résistance, Paris, Beaux Arts éditions, 2007, p.5
2-Jean-Yves Jouannais, L' idiotie : Art, vie, politique-méthode, Paris , Beaux Arts Editions, 2003.
3-Alain K, Ridicule et politique, de la manière de justifier un travail par ailleurs injustifiable, avril 2008.
4-Ibid.
5-Hakim Bey, La T.A.Z. Première édition française, mai 1997, Éditions de l'Éclat, Paris. p.15
6-Benjamin, Sur l’éloge de la fuite , ou la question des straégies de domination. Article 11, 2008.
7-Alain K, op. cit.
8-Frédéric-Charles Baitinger, compte rendu de l’exposition « It’s not funny » curateur yannperol, sur le site Paris Art, 2007.
9-Michel Onfray, Politique du rebelle (traité de résistance et d’insoumission), Paris, Editions Grasset et Fasquelle, 1997, p.249
10-Jean Dubuffet, asphyxiante culture, Paris, Editions de Minuit, 1986.